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Histoire

Nous reprenons la parution sur notre site de l’histoire de la Basse-Navarre, avec un chapitre 7 consacré à la Romanisation. Vous pouvez lire ou relire l’ensemble des chapitres précédents en cliquant sur l’onglet « Histoire » dans la rubrique « La Basse-Navarre en Pays basque ».

Histoire de la Basse-Navarre

par Pascal Goñi

Chapitre 7 : LA ROMANISATION

L’ORGANISATION ADMINISTRATIVE

..Octave (devenu Auguste) réorganisa l’Aquitaine en -27 pour éviter un nouveau soulèvement. Il étendit la province jusqu’aux bords de la Loire. La nouvelle Aquitaine (en quelque sorte) était une province impériale avec des troupes régulières, un gouverneur nommé par l’Empereur avec titre de légat. Jean-Luc Tobie a montré que l’implantation d’un castrum (camp fortifié) à St-Jean-le-Vieux (Imus Pyrenaeus) peut être datée du dernier quart du Ier siècle avant notre ère, donc au lendemain des victoires de Corvinus Messala qui datent de -28/-27.

..Les autorités romaines durent revenir au IIIème siècle aux frontières anciennes de l’Aquitaine comme le précise la «pierre d’Hasparren», un ex-voto de remerciement versifié, consacré à la divinité du lieu. Verus, un magistrat de la cité, fut envoyé auprès de l’empereur pour obtenir une séparation d’avec les Gaulois. La requête ayant reçu un accueil favorable, le légat dédia un autel au génie local. Comme le souligne Manex Goyhenetche (1942-2004), voir dans cette inscription la première manifestation de l’autonomie des Basques est un peu anachronique, car la séparation avec le reste de l’Aquitaine est incomplète (concernait-elle le volet fiscal et militaire?).

..Cette nouvelle disposition administrative était plus conforme à l’identité ethnique, culturelle et linguistique du sud de la Garonne. La nouvelle entité redonnait une certaine autonomie aux Neuf Peuples de l’Aquitania. Cette Novempopulanie avait pour capitale Eauze. Mais les Basques ne sont toujours pas mentionnés par les Romains (seuls les Tarbelles de la Chalosse sont cités).

..En Hegoalde, la situation est plus simple. La Provincia Tarraconensis (la capitale était Tarragone sur la Méditerranée) administrait les populations du nord de la Péninsule ibérique. L’immense province était divisée juridiquement en deux districts (conventus). Les Vascons dépendaient de la juridiction de Caesar Augusta (Saragosse).

..On estime probable que la frontière entre la Novempopulanie et la Provincia Tarraconensis se situait au col d’Ibañeta, même si on peut imaginer que des Vascons pouvaient s’installer en Iparralde.

LE RESEAU ROUTIER, VECTEUR DE LA ROMANISATION

..Le réseau routier n’apparaît pas avec la domination romaine et lui était antérieur. Il existait bien des passages pyrénéens élémentaires qu’utilisèrent les bergers, les marchands et les Indo-Européens durant la Protohistoire. Toutefois, le premier réseau organique de l’Histoire est bien celui de la puissance romaine à partir du règne d’Auguste. Il fut mis en place pour assurer aux troupes un déplacement rapide et contrôler des régions peu ou mal pacifiées comme l’Aquitaine. Mais il assurait aussi l’acheminement des commerçants et des marchandises. La route est aussi celle des fonctionnaires avec notamment les courriers officiels des Postes, assurés de trouver des mutationes (relais pour changer les postillons et les chevaux), des mulomedi (vétérinaires), et à la fin de chaque journée des mansiones (gîtes). Elle assurait aussi la liaison entre les villes, dynamisait l’économie locale. Le pays changea véritablement de physionomie, des ponts furent construits. Voyageurs à pied, à cheval ou en voiture, bouviers, muletiers, artisans, marchands réduisirent fortement l’isolement de la région.

..La documentation pour les axes majeurs est fournie en premier lieu par l’Itinéraire d’Antonin dit le Pieux qui date en réalité du règne de Dioclétien à la fin du IIIème siècle. D’intérêt d’apparence limité, ce document ne comporte pas de représentation cartographique et décrit plutôt des trajets que le véritable tracé des routes. Il nous indique tout de même l’emplacement des stationes (greniers pour l’approvisionnement), peut-être celui des annones (la perception des impôts) et surtout la traversée du Pays de Cize.

..A partir de cette source à laquelle il faut ajouter la Geographica de Strabon, on peut en déduire un axe de pénétration desservant la vallée de l’Ebre. Une autre route partant de Tarraco (Tarragone) sur la Méditerranée se détournait de cet axe naturel pour aboutir à Oiasso via Pompaelo (Pampelune). Côté Iparralde, l’axe Narbonne-Bordeaux empruntait la vallée de la Garonne, puis la plaine d’Aquitaine. Deux artères perpendiculaires à ce tracé traversaient l’axe pyrénéen pour rejoindre la vallée de l’Ebre d’après l’Itinéraire d’Antonin. La plus importante partait de Bordeaux, rejoignait Aquae Tarbellicae (ou Aquae Augusta, Dax), Sorde-l’Abbaye, Carasa (peut-être l’actuel Garris), Imus Pyrenaeus (St-Jean-le-Vieux), Summus Pyrenaeus (col de Bentarte ou d’Ibañeta), Iturissa (Espinal), Pompaelo etc… jusqu’à Astorga (Asturies).

..Le passage des hauteurs du Pays de Cize se faisait par deux endroits. Il passait par Urculu où un trophée de victoire, un monument circulaire, fut érigé au bord de la vieille voie indigène reliant le pays de Cize à la vallée d’Aezcoa à une altitude de 1420 m dominant un superbe panorama. Les vestiges archéologiques retrouvés dans le secteur montrent que le tracé indigène plus direct par les cols de Lepoeder et d’Ibañeta fut construit ultérieurement. Dans les deux cas, ils passaient par St-Jean-le-Vieux qui abrite le premier habitat romain de la région (-20/-15) et Iturissa où une nécropole romaine a été retrouvée. Plus qu’une voie commerciale, cette route avait avant tout un intérêt stratégique.

..Parmi les voies secondaires qui n’apparaissent pas dans les sources antiques, on peut conjecturer une voie qui reliait peut-être Bayonne (Lapurdum), Hasparren à St-Jean-le-Vieux.

..Le réseau était dominé par les artères reliant le bassin méditerranéen aux régions occidentales de l’Atlantique (vallée de l’Ebre de Tarragone à Astorga, de la Garonne de Narbonne à Bordeaux). Ces voies principales contournaient le Pays basque qui n’était pas pour les Romains une région prioritaire.

..Toutes les routes n’étaient pas de même facture. Certaines étaient carrossables pour les voitures notamment aux abords des passages pyrénéens. Ces chaussées faisaient 3,50 m de largeur pour permettre deux couloirs de circulation. Elles reposaient sur une couche de sable, de grosses pierres maçonnées recouvertes de cailloux concassés, une couche de béton (mortier et briques pilées), et au dessus des dalles de pierre ou du béton de cailloux. Sur les côtés, en cas de fossé, des murs de pierre soutenaient le remplissage. Ces techniques de construction seront conservées jusqu’au Moyen Age à tel point qu’il est parfois difficile de distinguer les routes de l’époque romaine de celles de l’époque médiévale. Ailleurs, elle étaient de construction plus légère avec uniquement des galets recouverts d’une couche de cailloux et de sable. Leur construction fut assurée par des esclaves. L’entretien des chemins était assuré par un système de corvées. Des autochtones étaient aussi réquisitionnés pour charger les convois.

..Erigées en bordure des voies principales ou dans des carrefours importants, des bornes, appelées milliaires, en forme de colonne généralement, portent des inscriptions marquant les distances des différents tracés (en milles aquitains chez nous). Elles attestaient de l’importance du lieu pour les Romains. Beaucoup malheureusement ont été détruites ou perdues. Celles de la Navarre qui ont été retrouvées sont déposées aujourd’hui dans le Musée de Navarre à Pampelune. En Novempopulanie, des bornes ont aussi été retrouvées, mais pas en Basse-Navarre.

..Les Romains ne craignaient pas les fortes pentes en montagne et ont préféré par exemple suivre la route des crêtes pour franchir les Pyrénées plutôt que de suivre la vallée d’Arnéguy, car les troupes y auraient été plus exposées aux attaques. La première voie s’élève pourtant au départ de 500 mètres en moins de trois kilomètres. Les vestiges en altitude sont très rares parce que les voies reposant sur le roc parfois dénudé ne nécessitaient pas de tranchée, ni d’infrastructures.

UN AUTRE VECTEUR DE LA ROMANISATION, LES VILLES

..Diviser pour régner: des statuts juridiques très variables

..La civitas (la cité) était un centre administratif, politique, religieux, un centre d’influence imposant un modèle culturel dominant. Théoriquement, c’était une unité politique autonome constituée d’un groupement d’hommes libres et égaux en droits, régi par des magistrats et des institutions stables sur le modèle de Rome. En réalité, les Romains conservaient leur supériorité et n’accordaient de privilèges, sources de jalousie opposant et divisant les peuples vaincus, que pour obtenir des obligations et faire de leurs alliés des vassaux.

..En 57, Lucius Pompeis Priminius devint le «patron» de la civitas Pompilonensis. Par ce biais, la cité pouvait espérer acquérir un statut juridique supérieur des mains de l’empereur ou du Sénat romain. En réalité, elle se retrouvait plutôt vassale de ce condottieri avant la lettre. L’ancienne Pampelune était à cette époque un municipium latinorum veterum, soit une colonie de vétérans démobilisés sous César et Auguste qui administrait les autochtones vaincus. Créé entre le Ier et le IIème siècle, ce statut était régi par le droit latin et n’accordait la citoyenneté romaine dans toute sa plénitude qu’aux magistrats en sortie de charge en ne reconnaissant pour les autres habitants que le conubium (droit de mariage avec les citoyens romains uniquement accordé à titre personnel), le commercium (droit de commercer avec les citoyens romains), le droit de vote en s’inscrivant dans une tribu à Rome et le droit de migration vers cette ville, privilèges secondaires compte tenu des distances avec l’Urbs. L’impôt devait être versé et par conséquent les habitants pouvaient servir dans la légion (en tant qu’auxiliaires en réalité, essentiellement dans la cavalerie) et avoir le droit de vote. L’exercice de la justice se faisait selon le droit romain (des questeurs exerçait le jus magistratus) pour pouvoir obtenir la citoyenneté en fin de charge ou pour pouvoir se défendre en justice contre un magistrat romain. La loi Porcia n’était pas appliquée. Par conséquent, les habitants pouvaient être frappés de verges et condamnés à mort. La cité développa suffisamment son niveau de romanisation et son urbanisme dès le Ier siècle pour pouvoir établir ce contrat d’hospitalité avec Priminius.

..En Basse-Navarre, bien moins romanisée, le statut le plus répandu devait être celui de la civitas foederata («cités fédérées») en contractant un foedus avec la puissance occupante. Ainsi, les rapports avec Rome ne relevaient plus officiellement d’un statut de vaincu, mais constituait une alliance (en réalité sur des bases inégales). Dans ces conditions, ces cités conservaient leurs propres lois, ne payaient pas d’impôts (à l’exception des Romains qui y habitaient), échappaient à la juridiction du gouverneur. Ces «alliés» fournissaient des contingents de fantassins et de cavaliers contre rétribution. Parfois, ils devaient aussi garantir un ravitaillement aux troupes romaines. Autre possibilité, les civitas stipendaria relevaient directement du gouverneur de la province et conservaient aussi leurs propres lois. Elles étaient soumises à un tribut et les habitants étaient consignés dans les mansiones (relais) pour servir le gîte, le couvert et des chevaux pour les voyageurs et la poste impériale. Ils étaient probablement aussi de corvées pour l’entretien des routes et le transport de convois.

..Ce statut municipal pouvait varier selon les époques et l’intérêt stratégique du territoire. Il était accordé progressivement. Rappelons enfin que tous les hommes libres de l’Empire obtinrent la citoyenneté en 212 sous le règne de Caracalla.

..L’urbanisation

..L’administration urbaine favorisa l’urbanisation et la romanisation. Ce fut surtout le cas à Pampelune, mais Pompaelo, malgré son importance stratégique et un développement certain au IIème siècle, garda des dimensions modestes. La Pampelune antique se regroupait derrière de solides murailles autour de l’actuelle cathédrale avec des thermes, un marché qui se tenait tous les 9 jours comme à Rome (jus nundinarum) générant l’activité des boutiques et des échoppes (taberna).

..On peut supposer que l’urbanisation fut des plus réduites en Basse-Navarre.

LA RÉORGANISATION DE L’ESPACE RURAL

..Les villa (exploitations agricoles) et les fundi (unités de production rassemblant plusieurs villas) constituent aussi un important facteur de romanisation dans le bassin de l’Adour et de l’Ebre, ainsi qu’une rupture très nette avec le passé indigène. En effet, ces nouvelles structures rurales constituaient la richesse foncière, conféraient des honneurs, des titres et des charges. Nombre de propriétaires terriens exerçaient des responsabilités urbaines importantes. D’ailleurs dans les faits, ils confiaient l’exploitation des terres à un villicus (intendant) affranchi, voire même esclave. Ils étaient généralement des vétérans ou des notables locaux romanisés. Villa et fundi étaient donc le lieu de convergence de la campagne et de la ville, le centre d’une économie d’échanges. Ils mettaient en activité nombre d’artisans, de maçons, de mosaïstes, de forgerons ou de menuisiers. Les villas ont en effet initié une nouvelle architecture, modifié les paysages en y greffant la première agriculture intensive du Pays basque que les auteurs latins nomment ager vasconum. Elles apportaient tout le confort de la vie urbaine dans un environnement sauvage, mais domestiqué, c’est-à-dire l’idéal de la civilisation romaine. Cela passait par des stations thermales très nombreuses autour des Pyrénées.

..Ces villas étaient le plus souvent situées dans des régions fortement urbanisées. Les terres fertiles, l’agrément du site et un panorama remarquable favorisaient les implantations. Elles étaient le plus souvent localisées le long des axes fluviaux (Arga, Ebre) et près des routes, sur de riches terrasses alluviales, localisations qui leur donnaient plus de valeur financière. Les propriétaires devaient en contre-partie entretenir ces routes et contribuer à lutter contre le brigandage et l’insécurité. Les villas se développent particulièrement au IIème siècle, sorte d’âge d’or basco-romain, mais se maintiennent au IIIème siècle, malgré les vicissitudes de cette période. Il ne faut pas en exagérer l’importance. C’était des exploitations de 1000 à 1500 ha loin des latifundias du sud hispanique. Ainsi la propriété autochtone, communautaire, survécut même dans l’ager.

..De nombreux colons et esclaves travaillaient cependant dans ces villas sous la férule de maîtres parfois originaires d’Italie. La trilogie méditerranéenne blé-olivier-vigne fut introduite en Pays basque. L’huile produite sur les bords de l’Ebre était exportée vers les plaines d’Aquitaine par le col d’Ibañeta. Ces produits n’étaient pas nécessairement nouveaux, mais ils bénéficièrent alors de l’opportunité d’un vaste marché. Les Romains apportèrent aussi la technique des jardins, de l’arboriculture, introduisirent les fèves, les choux, les lentilles, les laitues, les pêches, les abricots, les pistaches, le pommier, des plantes médicinales et tinctoriales.

..En Basse-Navarre jusqu’à présent, aucune villa n’a été retrouvée. Cette description ne concerne apparemment que la Navarre proprement dite.

LA PREMIÈRE GLOBALISATION ÉCONOMIQUE ?

..Artisans et marchands

..L’émergence des villes et de l’ager a favorisé l’éclosion de nombreuses professions détenues par des indigènes peu romanisés établis dans le saltus vasconum. Les sources littéraires évoquent les mineurs du territoire des Tarbelles (du cuivre selon César, de l’or pour Strabon), les tailleurs de pierre, les travailleurs du bois. Des stèles retrouvées par les archéologues mentionnent aussi des maçons, des menuisiers. Les marchands étaient aussi sollicités par l’armée romaine qui avaient besoin de ravitaillement (huile, saumure, céréales). Ceux-ci étaient implantés en ville. St-Jean-le-Vieux pouvait fournir du sel apporté depuis Salies. On y a retrouvé deux bronzes provenant de la Gaule septentrionale et datant de -15. Jusqu’à l’époque des Flaviens (69-96), les importations se font par le Nord.

..Les historiens ont émis l’hypothèse que ce site serait un terminal du système de distribution du Sud-Ouest par la Garonne. En effet, les productions espagnoles que l’on y a retrouvées sont généralement méditerranéennes (vin, céramique de luxe, lampes) et transitaient ensuite par la Narbonnaise. Le courant commercial transpyrénéen est très faible jusqu’au début du IIème siècle, ensuite les ateliers de Logroño notamment fournissent ce piémont en céramique. La sigillée italienne est fréquente et précoce à Saint-Jean-le-Vieux. La céramique sigillée (poterie marquée d’un sceau ou d’une empreinte) jouait dans ces échanges un rôle important. Immus Pyreneaus constituait un centre d’importation de la terra sigillata hispanica. Imus Pyreneus est atypique, car le reste de l’Aquitaine est insensible aux productions hispaniques, malgré la politique douanière des empereurs flaviens, dynastie d’origine espagnole.

Céramique sigillée, Musée de Calahorra (Coll. Ikuska)

…..Ailleurs en Basse-Navarre, les activités de production sont modestes. Il faut citer cependant les mines de la vallée des Aldudes (cuivre) et de St-Martin d’Arrossa (fer).

…..La circulation monétaire

..Des «trésors» (dépôts monétaires) ont été retrouvés un peu partout au Pays basque, même en Basse-Navarre moins romanisée: St-Etienne-de-Baïgorry, Arteketa (Uhart-Cize), St-Jean-le-Vieux, Lecumberry. Les monnaies retrouvées à Arteketa nous renvoient à Cologne, Milan, Nîmes et Rouen. C’était l’Europe des échanges avant la lettre. Mais dans leur grande majorité, ces monnaies provenaient d’ateliers plus proches situés en Navarre et dans la vallée de l’Ebre. Certains d’entre eux posent problème aux numismates. Les pièces frappées à Bentian et Barskunes (très probablement en Navarre) portent à l’envers une effigie d’une tête barbue, au revers un cavalier armé d’une épée coiffée d’un casque. Ce personnage semble indigène avec son vêtement et son armure spécifique. La même effigie se retrouve dans les pièces retrouvées à Lecumberry en 1897 (7 pièces en bronze). Il est possible que leur émission date de l’époque sertorienne pour payer la solde des troupes. Ces ateliers paraissent très vigoureux au sein de l’espace Ebre-Adour. Certains n’ont pas hésité à en déduire que les Vascons avaient une certaine prépondérance de fait sur leurs voisins et que leur expansion géographique avait débuté dès l’ère romaine. Il faut ajouter pour finir que les monnaies gauloises ne franchissaient pas les Pyrénées et que ces échanges univoques traduisent une prépondérance économique des populations ibériques.

Revers d’une pièce de monnaie retrouvée à Urepel représentant un taureau de l’Ebre
avec à l’avers un portrait d’Auguste (Coll. Ikuska)

..L’exploitation du saltus

..Le saltus signifie «forêt» en latin, mais le terme désigne plus généralement l’espace qui n’est pas mis en culture en opposition avec l’ager. Les Romains délaissaient cet espace aux peuples indigènes à l’exception des mines et des forêts (Iraty notamment où le sapin rivalisait alors avec le hêtre). La propriété des mines appartenait à l’Etat romain, même si au fil du temps elles furent louées à des exploitants privés. Pour ce travail de forçat, la main d’oeuvre était naturellement servile. On suppose que les autochtones pratiquaient surtout l’élevage qui existait parallèlement dans l’ager. La chasse était toujours pratiquée: chevaux sauvages, chevreuils, cerfs, sangliers, lièvres et lapins devaient pulluler en raison de la faible densité humaine à cette époque. Sans fruits et légumes confinés dans l’ager, les autochtones dépendait d’une économie de survie qui englobait aussi la pêche. Les échanges n’étaient pas ici irrigués par la monnaie, mais se faisait par le biais du troc. Toutefois, de nombreuses traces monétaires ont été retrouvées dans la vallée de Baïgorry dont l’activité minière à son maximum au Ier siècle de notre ère n’est peut-être pas étrangère au développement du site d’Imus Pyrenaeus. Ces échanges se faisaient sur des rivières navigables au moyen de radeaux sans doute sur la Nive.

Entrée de la galerie romaine d’Urepel (Coll. Ikuska)

..Esclaves et affranchis

..Fonctionnaires, contremaîtres, marchands ou hommes d’affaires avaient à leur disposition des esclaves et des affranchis que l’on peut retrouver sur certaines stèles votives ou funéraires en Navarre uniquement.

..La main d’œuvre servile joua un rôle considérable dans l’activité agricole. En effet, les Romains ont concrètement introduit peu de nouvelles techniques hormis l’araire. Les esclaves et les autochtones continuaient de se servir du laia, un outil de labour manuel, de la charrette, de l’irrigation, de la faucheuse tractée par des bêtes et de la herse introduites précédemment par les Celtibères.

Pour aller plus loin:

Louis Colas, «La voie romaine de Bordeaux à Astorga dans sa traversée des Pyrénées», Bulletin mensuel de Biarritz-Association, Société des Sciences, Lettres et Arts, 1912.

Manex Goyhenetche, Histoire générale du Pays basque, tome 1, Elkar, 1998, pp. 71-95.

Pierre Narbaits, Le Matin basque, Guénégaud, 1975, pp. 167-173.