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Histoire

….. Après avoir consacré l’essentiel de notre page d’accueil aux nombreuses conférences et activités organisées par l’association, nous profitons de cette période estivale qui laisse du temps à la lecture, pour reprendre le fil de l’histoire de la Basse-Navarre écrite par Pascal Goñi, professeur et secrétaire de Terres de Navarre. Nous vous proposons de découvrir ci-après le chapitre 13 consacré à la naissance du royaume de Navarre. D’autres suivront…
…..…et vous pouvez bien entendu retrouver sur le site les chapitres précédents, à la rubrique « La Basse-Navarre en Pays basque », onglet « Histoire ».

Histoire de la Basse-Navarre

……………………….. …….par Pascal Goñi

Chapitre 13 : LA NAISSANCE DU ROYAUME DE NAVARRE :
IX-Xème SIÈCLES

LA VASCONIE AU DÉBUT DU IXème SIÈCLE

…..La soumission des Vascons

…..Après Roncevaux (778), le personnel civil et religieux (comtes, évêques, religieux) fut modifié en Aquitaine. Roi d’Aquitaine depuis 781 (âgé de 3 ans à peine), Louis, fils de Charlemagne, parvint à pacifier les Vascons. Si l’on en croit l’Astronome et sa Vita Hludowici imperatoris, le duc de Toulouse, Chorson, fut détenu vers 787-788 par un certain Adalric dit Wasco, peut-être un fils de Loup II.

Cet intrigant fut exilé en Espagne et mourut lors d’un combat. La paix fut rétablie ensuite. Le clerc et poète Ermold le Noir (790-après 838) souligne que les loups farouches cédèrent la place aux brebis et que son maître «dompta les Vascons enragés». Loup-Sanche (777-812), leur prince, «qui représentait les siens et surpassait ses ancêtres en intelligence et loyauté, assuré qu’il était de la protection de Charles, répondit: Roi , nous ne pouvons que t’obéir, en vérité, car la science sort de ta bouche. Mais s’il m’est permis de m’exprimer en faveur de nos intérêts, je le dis clairement, je préfère la paix et la tranquillité».

…..Loup-Sanche, « le meilleur cavalier de Pampelune« , fut élevé à la cour même des Carolingiens. Fils de Loup II, il fut amené ainsi que son frère, Garcia Loup, comme otages à cause du rôle qu’aurait joué le prince de Vasconie, son père, à Roncevaux (celui-ci sera fait prisonnier, puis exécuté à une date inconnue). Nombre de Vascons et d’Aquitains connurent le même sort. Éduqué comme un Franc qui «surpassait ses ancêtres en intelligence et loyauté», il reçut un commandement et fut intronisé Prince des Vascons en l’an 800 sous le nom de Loup-Sanche Ier. Il ne pouvait ensuite qu’être loyal. C’est ainsi qu’il participa avec les Francs, par devoir, à un siège à Barcelone (801). Il y eut cependant encore quelques remous. Selon l’Astronome, biographe de Louis, les Vascons se soulevèrent encore parce que le comte de Fézensac Liuthard (un Franc) avait succédé à un Vascon, Bergon. Ceux-ci tuèrent et même brûlèrent des partisans du roi Louis. La répression carolingienne fut sans pitié: «certains, suivant la loi du talion, furent brûlés» lors de la diète de Toulouse (801). Sanche Loup céda son titre de duc de Vasconie en 812 à son frère Semen I et resta fidèle aux Carolingiens. Il mourut en 816, ainsi que son frère, Garcia, comte de Dax, lors de la bataille de Pancorbo (qui dura 13 jours) dans le cadre d’une coalition de seigneurs chrétiens contre les Musulmans d’Espagne. L’empereur Louis perdit alors un compagnon d’armes très fiable.

…..Des factions rebelles à Pampelune

…..Le Regnum francorum s’étendait théoriquement jusqu’aux bords de l’Ebre. Les Carolingiens dominaient la Navarre depuis le retournement de Pampelune en 799: «les Navarrais et les Pamplonais qui, les années précédentes, avaient pris le parti des Sarrasins, se sont résolus à rentrer dans la fidélité», écrit Eginhard dans ses Annales. Mais en 802, Pampelune fit allégeance à l’émir de Cordoue Al-Hakam. Les Vascons prirent parti pour lui contre l’empereur Louis, et reconnurent sa suzeraineté. L’épisode fut de courte durée car les chroniques franques de l’année 806 précisent que les Vascons se remirent sous la domination des Francs. Mais en 812, un groupe de Vascons s’était soulevé et Louis «le Débonnaire» décida de lancer une campagne militaire contre eux. Ils ordonna que ceux qui l’avaient trahi se présentent à lui, à Dax. Ce point stratégique fortifié semble être la limite désormais du territoire vascon. Mais comme personne ne vint, il saisit les biens de ces derniers et saccagea leurs terres. Ceux-ci se présentèrent alors à lui et furent pardonnés. Le roi d’Aquitaine traversa ensuite les Pyrénées, s’installa à Pampelune. «Mais comme il fallait retourner par les mêmes passages étroits et que les Vascons étaient prêts à tromper, par atavisme et par coutume, il prit des mesures de prudence et de sécurité. Car l’un d’eux qui s’était avancé en guise de provocation, fut appréhendé et pendu, les autres furent détenus, les femmes et les enfants pris jusqu’à ce que les nôtres eussent réussi à traverser, sans que leur comportement frauduleux ne porte tort ni au roi, ni à son armée» (l’Astronome, Vita Hludovici).

…..La leçon de Roncevaux fut donc retenue, cette fois-ci du moins comme nous le verrons plus loin. Cet épisode (la seconde «bataille de Roncevaux»), en tout cas, milite en faveur de ceux qui croient que l’impulsion de la bataille de 778 vint de la Navarre. De toute façon, ce passage était stratégique et indispensable aux Francs. L’ambre gris de la côte atlantique, la résine de la Baltique, les produits africains (or, ivoire, émeraudes, esclaves) transitaient par les cols pyrénéens qu’il était indispensable de contrôler dans leur intégralité. Cela passait par la nomination de comtes fidèles généralement choisis dans la noblesse vasconne (Velasco à Pampelune).

…..La tentative ratée de 816

…..La mort de Sanche-Loup, en 816, provoqua une nouvelle instabilité dont certains Vascons vont se servir pour s’émanciper de la tutelle carolingienne. «Les Vascons qui demeurent au-delà de la Garonne et aux environs des Pyrénées […] se soulevèrent selon leur légèreté habituelle, fomentèrent une sorte de conjuration, désertèrent. Deux expéditions suffirent à les soumettre et à rétablir la paix» (Annales du royaume des Francs d’Eginhard).

…..Selon la Chronique de Moissac, cette même année 816 vit une première tentative vasconne pour élire un roi. «Or, les Vascons rebelles élirent un prince Garsimire, mais la deuxième année de son règne, il perdit la vie ainsi que le principat qu’il avait usurpé frauduleusement». Il échoua sans doute par manque de soutien. Le scénario de 824 sera autre.

…..En 819, le roi d’Aquitaine Pépin Ier (817-838), fils de l’empereur Louis le Pieux, dut réprimer un nouveau soulèvement. «Dans les régions occidentales, Pépin, fils de l’empereur, sur l’ordre de son père, pénétra en Vasconie avec son armée et pacifia toute la province en écrasant tous ceux qui s’étaient révoltés, de telle sorte qu’il ne reste plus de rebelle ou d’insubordonné» (Annales du Royaume des Francs). La même année, Loup Centulle, un petit-fils de Loup II, fut accusé d’avoir combattu contre les comtes carolingiens de Toulouse et d’Auvergne. Comme Adalric, il fut condamné à l’exil et son frère Garcia exécuté.

LA NAISSANCE DU ROYAUME DE PAMPELUNE (824)

…..Eneko Arista, le premier roi de Navarre

…..Eneko (Iñigo en espagnol) Arista n’était pas un Navarrais pur jus. Il était le fils d’Iñigo Jimenez Arista, comte de Bigorre, de la famille Castelbajac. Euloge de Cordoue (mort en 859), futur martyr chrétien, lui donne le titre de «prince chrétien». En réalité, il est allié à la famille Banu Qasi. Sa mère, Onneca (appelée aussi Iñiga), a épousé en premières noces Musa ibn Fortun, appartenant à cette puissante famille établie sur l’Ebre, à Tudela. Eneko, lui, est issu du mariage en secondes noces de sa mère avec les Jimeno. Plus tard, il mariera sa fille Assona avec Musa ibn Musa, son demi-frère, né d’un premier lit. L’ancien gouverneur de Pampelune, assassiné en 799, relevait de ce clan. C’est ce dernier qui permit à Eneko de monter sur un trône. L’avènement du premier roi de Navarre ne s’est pas fait sans heurts en raison de l’opposition d’une partie de la population chrétienne (sans doute minoritaire) à l’alliance avec les musulmans sans compter les menaces représentées par l’émirat de Cordoue (Abd al-Rahman Ier avait pris Pampelune en 787) et l’Empire carolingien. Cette alliance avec l’islam n’était pas très singulière. De nombreux princes de la dynastie vasconne contracteront également des mariages avec les Banu Qasi.

Une représentation d’Eneko Arista, Plaza de Oriente, Madrid

…..Les Vascons d’Eneko Arista écrasent l’armée franque commandée par les comtes Eble et Aznar Sanche lors de ce que l’on a appelé la «troisième bataille de Roncevaux», alors qu’elle retournait vers le nord de la Loire après avoir «pacifié» Pampelune. Eble sera envoyé captif à Cordoue, mais Aznar (que les Francs appelaient Asinaire) que les Vascons considéraient comme ayant le même sang qu’eux, put retourner chez lui. Il était en effet le fils de Loup-Sanche Ier, mais élevé, comme son père, à la cour d’Aix-la-Chapelle. Il était un fervent pro-carolingien. Après cette victoire, Eneko Arista est couronné roi de Pampelune.

…..La sphère d’influence d’Eneko ne s’étendait pas sur la Basse-Navarre, mais sur une partie de l’Aragon. Il épousa en premières noces Onecca (ou Tota). Lors de son voyage en 848, Euloge de Cordoue, qui ne put franchir les Pyrénées à cause de la guerre, resta en Navarre et visita tous ses monastères que nous connaissons grâce à lui.

…..La rupture de l’alliance avec les musulmans

…..En 842, Pampelune est prise, mais vite abandonnée par l’émir Abd al-Rahman II. L’année suivante, il lance une seconde offensive contre cette ville et Eneko Arista est à nouveau défait, son frère Fortun Iñiguez tué. En 845, atteint apparemment de paralysie à la suite de blessures reçues au cours des combats, il doit laisser la corégence du royaume à son fils García qui a toujours le soutien des Banu Qasi. Ce dernier doit encore faire face à une nouvelle expédition cordouane contre Pampelune et Tudela en 850 avant de succéder à son père qui meurt en 851 ou en 852. Il sera enseveli, lui et plus tard son fils Garcia (851-870), dans le monastère de Leyre, déjà Panthéon royal au IXème siècle et centre politique de la monarchie navarraise naissante.

…..Le roi Garcia Ier devra composer avec une autre menace, celle des Vikings, qui remonteront jusqu’à Pampelune et le captureront (859). Il sera libéré l’année suivante contre une énorme rançon et des otages laissés aux envahisseurs. Voici ce qu’en dit un chroniqueur cordouan du XIème siècle: «Ensuite, les païens remontèrent avec leurs vaisseaux le fleuve jusqu’au pied de Pampelune et engagèrent bien des combats contre les Vascons, ils en tuèrent beaucoup et prirent en otage l’émir Garsiya ibn Wannaco. Le prix de rachat fut de 70 000 (dinars). Comme on remit à plus tard une partie du remboursement, son fils fut gardé en otage, et lui-même fut libéré». Après cet épisode peu glorieux, il sera contraint (860) de s’allier avec le roi d’Oviedo pour affronter les musulmans. Ceux-ci attaquaient presque chaque année la Navarre. En 867, Mohamed, successeur d’Abd al-Rahman II, avec une armée puissante, franchit l’Ebre et parcourt la campagne de Navarre pendant trente-deux jours. Les enfants du roi, Fortun et Iñiga, furent emmenés captifs à Cordoue. L’infante se maria avec le roi Abd Allah, fils de Mohamed, et fut la grand-mère d’Abd al-Rahman III. Fortun Garces, quand son beau-frère monta sur le trône à Cordoue, retrouva sa liberté après treize ans de captivité. Sa fille, Onecca, tint à suivre son père auprès des Omeyyades. Convertie à l’islam, elle épousera le fils de l’émir régnant. Elle sera la mère du futur Abd-al-Rahman III qui créera le califat de Cordoue. Garcia Ier semble avoir abandonné le pouvoir à Iñigo Garcès Ier (Garcia Jimenez) dès 870 avant de mourir oublié en 882. García Jiménez serait devenu régent du royaume jusqu’à sa mort (882) lors d’une bataille contre l’émir Muhammad.

…..Malgré l’infortune des combats, une «Reconquête» se met en place. Déjà le récit du «miracle» de la découverte du corps de St Jacques (814) se répand dans la chrétienté. Il faudra cependant attendre l’an Mil pour que cela se traduise en élan de foi. Ce fut Sancho Garces (Sanche Ier), le fils de Garcia Jimenez, dont le règne se situe entre 905 et 925 qui forgea véritablement le royaume de Navarre en s’opposant aux Musulmans. Il détrôna d’abord Fortun Garcès rentré finalement de Cordoue en 880 qui dut se retirer au monastère de Leyre. Ce dernier fut le dernier représentant de la dynastie dite Iñiguez. Sanche Ier initia la dynastie royale des Jimenez. Le nouveau roi, Sancho Garces était issu de la lignée de Muza ibn Muza et d’Onecca, la mère d’Eneko Arista. Mais désormais, la rupture est consommée avec les musulmans. Il parvint à reconquérir les terres riches occupées par les Banu Qasi, et ce fut alors que l’Ebre servit de frontière après la conquête de plusieurs châteaux. Mais en 921, Abd al-Rahman III envahit la Rioja et s’opposa aux soldats d’Alava, du Guipuzcoa et de la Navarre alliés. En 921, les Basques et les Léonais s’unissent contre les Musulmans à la bataille de Valdejunquera.

Sancho Garces, roi de Navarre (905-925), https://fr.wikipedia.org/wiki/Sanche_Ier_de_Navarre

LA SITUATION EN VASCONIE CITERIEURE

…..En 850, des envoyés du roi franc Charles le Chauve (840-877) revinrent de Navarre avec des présents et une apparente subordination des Vascons vis-à-vis de la cour impériale. Mais le titre donné à Eneko Arista par Euloge, «Prince chrétien», ne signifie pas une vassalisation ou une allégeance vis-à-vis des Carolingiens. D’ailleurs, la défaite franque de 824 avait marqué la fin de la domination carolingienne sur la Navarre.

…..Par contre, ceux-ci exercèrent une autorité réelle sur l’Aquitaine et la Vasconie citérieure, terme employé la première fois en 836 par les Annales de St-Bertin pour désigner le comte Aznar Sanche (831-836), en opposition avec la Vasconie ultérieure devenue le royaume de Pampelune. Oihenart reprendra cette double appellation dans sa Notitia Utriusque Vasconiae. Cet Aznar, celui qui fut relâché vivant après le désastre franc de 824, avait par la suite trahi Pépin Ier, trop occupé à contester le trône de son impérial père, et pris ce titre de comte. Son frère, Sanche (836-864), sera d’abord comte, puis obtiendra plus tard le titre de duc. Le cartulaire de Sainte-Marie d’Auch le dénomme «Sancius Mitarra», un nom peu basque. Cependant, les généalogies du XIème siècle en feront l’ancêtre du lignage princier de la Vasconie.

…..Pépin II (843-848), fils et successeur de Pépin I, nomma en 845 un dux Wasconum pour garder la frontière contre les Vascons de Sanche, mais le Carolingien fut déposé par ses sujets après le pillage de Bordeaux par les Vikings. Quand ces derniers se retirèrent en 848, Bordeaux resta sans défense et on suppose que Sanche en profita pour occuper la ville. Il se soumit finalement et fut nommé duc de Vasconie par Charles le Chauve entre 848 et 850. Quand il fut capturé dans la vallée de l’Ebre avec son beau-frère Émenon de Poitiers par le chef maure Musa ibn Musa (le demi-frère d’Eneko Arista!), l’empereur Charles négocia leur libération: en échange, Sanche s’empara de Pépin II quand celui-ci chercha refuge en Vasconie en 852 et le livra à son suzerain.

…..Sanche devra aussi de son côté affronter les Vikings qui ravagèrent également la vallée de l’Adour (Dax, Aire, Tarbes, Saint-Sever). C’est de cette époque que date la tradition de Saint Léon à Bayonne, décapité par ces Normands.

LES VASCONIES AU Xème SIECLE

…..L’extension du royaume de Pampelune

…..Arc-boutée au départ sur les contreforts pyrénéens, la monarchie navarraise a su renforcer peu à peu ses positions sur certaines vallées, créer des avants-postes de défense militaire autour de villages, de châteaux et d’églises. Garcia Iñiguez, le second roi de Navarre, avait déjà contracté un mariage avec Leodegundia, fille du roi des Asturies, avec en ligne de mire la poursuite de la Reconquête. La même politique sera poursuivie par les Jimenez au siècle suivant, au Xème siècle.

https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=30279683

…..Comme on peut l’imaginer avec un si petit royaume, succès et désillusions alterneront. En 921, le redoutable Abd al-Rahman III mènera une sanglante expédition contre les Navarrais. Sanche Garces dut abandonner le château de Calahorra où il résidait habituellement. Malgré leurs attaques surprises habituelles, les Basques furent contraints de se replier dans leurs montagnes non sans que de nombreuses têtes coupées soient exhibées devant celui qui allait bientôt devenir calife. L’expédition de 924 fut encore plus sanglante si l’on en croit une source musulmane du XIIIème siècle, il est vrai. «Certains se réfugièrent avec femmes et enfants dans trois grottes qui étaient situées au fond d’un défilé dominant la vallée. Mais nos soldats ne cessèrent de les attaquer. Ils tuèrent les hommes, réduisirent les enfants en esclavage, s’emparèrent de ce que les vaincus avaient abandonné, constituant ainsi le premier butin que Dieu leur accorda au cours de cette campagne. Les châteaux de la région furent détruits et il ne resta pas pierre sur pierre. […] Ils atteignirent ainsi Pampelune que les habitants avaient abandonné et évacué. Le prince en personne y pénétra, et après avoir parcouru la ville, il ordonna de détruire toutes les habitations et l’église qui servait de lieu de culte aux infidèles». Rappelons que la mère et la grand-mère d’Abd-el-Rahman étaient d’origine navarraise !

…..Parallèlement, Sanche Garces ne fut pas en reste. Le manuscrit du monastère de Roda (fin Xème-XIème siècle) dit ceci: «Il fut très attaché à la foi du Christ, très pieux, croyant parmi tous, miséricordieux pour les catholiques. Quoi de plus? Il a montré qu’il était le meilleur dans toutes les œuvres. Combattant contre les Ismaëlites, il imposa de nombreux châtiments aux Sarrasins. […] Enfin, ayant expulsé tous les mécréants, il quitta ce monde dans la vingtième année de son règne, l’an 925».

…..Les liens dynastiques entre les deux Vasconies

…..L’histoire de la Vasconie citérieure est assez obscure. Un certain Sanche Garcie, qualifié parfois de rex, parfois de consul est signalé dans les généalogies d’Arnaud Oihenart et du monastère de Roda. Renée Mussot-Goulard prétend que ce n’était pas un Navarrais malgré son nom, mais la question reste débattue. Il est le premier d’une lignée de comtes, puis de ducs qui gouverna la Gascogne jusqu’en 1032 en incorporant notamment le comté de Bordeaux.

…..Le roi de Navarre Garcia-Sanche (Garcia II, 925-970) maria sa fille Urraca à Guillaume Sanche (977-997), le fils de Garsie-Sanche, qui succèdant à son frère Sanche, fut comte et duc de Vasconie prétendant même au titre suprême de Dominus totius Vasconiae. Son autre frère Gombaud, est évêque et les deux hommes se partagent pouvoir temporel et pouvoir religieux. Devenu veuf, Gombaud serait passé à l’état ecclésiastique et son frère l’aurait pourvu en 977 des évêchés d’Aire et Bazas en l’associant à son gouvernement. Il est aussi probable qu’il se soit emparé des autres évêchés gascons, Dax, Bayonne, Lescar et Oloron, puisqu’il signait « episcopus Vasconiae » (évêque de Gascogne). Le cartulaire du monastère de La Réole dit que «les deux ont été constitués prince en Gascogne».

…..Guillaume Sanche vit ses états s’agrandir vers le nord, l’Agenais et surtout le comté de Bordeaux. Il aurait défait les Vikings dans les Landes vers 988. Malgré la pauvreté des documents qui ont été conservés, il est manifeste que son règne ait été décisif pour la réorganisation et le renouveau de la Gascogne. C’est par son dynamisme que s’explique en partie le nombre d’abbayes – une dizaine – fondées par lui et par Urraca. On sait en effet que les foyers d’intense vie spirituelle que sont les monastères ont toujours été des centres très actifs de vie économique et de vie culturelle.

…..Guillaume Sanche était très présent à la cour de Navarre. Par son mariage avec Urraca, il est le beau-frère de Sanche Abarca. Fils de García II de Navarre, ce dernier règne sur la Navarre de 970 à 994. Durant son règne, il mène avec des succès variables des luttes continuelles contre les troupes du Calife Al-Hakam II. Il tenta notamment d’envahir la région des Bardenas en 975. Le duc de Vasconie participera à différents sièges dans cette région. Les campagnes dévastatrices des trois dernières décennies du Xème siècle contraignent cependant Abarca à payer un tribut à Cordoue et même à donner une de ses filles comme épouse à Al Mansour qui menace la Navarre en 976. Ce dernier sera appelé plus tard Almanzor en espagnol, («le Victorieux» en arabe). Raoul Glaber, le célèbre chroniqueur de l’an mille, confirme la présence du duc de Gascogne contre les musulmans. Peu avant de mourir (1002), Al Mansour reviendra guerroyer à Pampelune (998).

Pour aller plus loin:

  • Manex Goyhenetche, Histoire générale du Pays basque
  • Jean de Jaurgain, La Vasconie: étude historique et critique sur les origines du royaume de Navarre, du duché de Gascogne, des comtés de Comminges, d’Aragon, de Foix, de Bigorre, d’Alava & de Biscaye, de la vicomté de Béarn et des grands fiefs du duché de Gascogne, PyréMonde, Éditions Régionalismes), 1898.